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L’Académie de médecine: ses origines et son histoire aux XIX è et XXème siècles par Jacques Battin.

Discours prononcé le 2 mai 2013 au Parlement de Bucarest devant les délégations des deux académies.

Jacques Battin
membre de l’Académie Nationale de médecine,
docteur-es-lettres, Vice-président de la Soc.Franç.Hist.Méd.

Il y a 25 siècles que le philosophe Platon eut l’idée de réunir les Athéniens curieux de culture et d’enrichissement mutuel, dans un espace de liberté, situé dans le jardin d’un héros dénommé Académos, d’où vient le nom d’académie. Cette initiative s’est inscrite très tôt dans la mémoire des hommes ayant le goût de mêler leur savoir dans un climat de respect mutuel. Cette première académie était sous la protection d’Apollon Musagète, le Maître des Muses, signifiant l’ensemble des disciplines littéraires, philosophiques, artistiques et scientifiques.

 

Mosaïque

Mosaïque romaine de Pompéi, musée de Naples,
représentant l’Académie de Platon avec les savants et artistes représentant les muses.
(cliché J. Battin)

La Renaissance retrouva cet usage avec l’académie des Lynx fondée à Rome en 1603, la plus ancienne académie d’Europe, puis ce furent l’Académie française fondée en 1635 par Richelieu sous Louis XIII « pour épurer et fixer la langue .», la Royal Society de Londres en 1662, et sous Louis XIV, en 1666 sur le conseil de Colbert l’Académie de France à Rome et l’Académie des Sciences qui accueillit d’emblée quelques médecins considérés comme savants anatomistes ou physiologistes, l’art médical considéré alors trop déficient pour mériter d’être individualisé.

Au siècle des Lumières, les académies se multiplièrent dans les capitales européennes et dans les principales villes du royaume de France, dont celle de Bordeaux, qui vient de fêter son tricentenaire et s’honore d’avoir été présidée à trois reprises par Montesquieu lequel fonda des prix de physique et d’anatomie pour encourager le développement des sciences.

Pierre Chirac, docteur de Montpellier, et Premier Médecin de Louis XV, tenta de créer une académie de médecine, mais il échoua face à l’hostilité de la faculté de Paris soucieuse de conserver ses prérogatives.
A l’opposé, le Premier Chirurgien Georges Mareschal, qui succéda à Félix, lequel avait opéré avec succès Louis XIV de sa fistule anale, s’est associé à François Gigot de La Peyronnie de Montpellier et à eux deux réussirent à faire créer par Louis XV en 1748 une académie de chirurgie qui s’installera dans le bâtiment néo-classique construit par Gandouin, et dévolu depuis à l’université Paris V René Descartes.
La mort de Louis XV de la variole en 1774 suscita une émotion telle que, sous l’impulsion de Félix Vicq d’Azyr, fut fondée en 1778 la société royale de médecine  qui se réunissait au Louvre préfigurant l’académie actuelle avec son réseau de correspondants nationaux et étrangers.
En France, la création de l’Académie royale de médecine par ordonnance de 1820 est donc l’aboutissement d’une longue et laborieuse gestation correspondant au moment où la médecine accédait enfin au rationalisme scientifique au tout début du XIXème siècle.
Sur le conseil de son premier médecin, le baron Portal (1742-1832), le roi Louis XVIII chargeait l’Académie de travailler au perfectionnement de la science médicale, de répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique et principalement sur les épidémies, les maladies particulières à certaines régions, les épizooties, les différents cas de médecine légale, la propagation de la vaccine, l’examen des remèdes nouveaux tant internes qu’externes et les eaux minérales.
L’Académie était chargée de continuer les travaux de la Société royale de médecine et de l’Académie royale de chirurgie, qui avaient été supprimées par la convention révolutionnaire. Ainsi prit fin l’interminable lutte opposant médecins et chirurgiens. Ces derniers dont l’étymologie grecque signifie oeuvre de la main, activité dont le caractère sanglant était interdit aux clercs, lesquels philosophaient et étaient inefficaces. Tandis que les chirurgiens, ces « manœuvres », depuis au moins le Xème siècle après Abulcassis de Cordoue, avaient acquis des gestes efficaces à l’aide d’instruments adaptés à la pathologie externe.

Cette union de la médecine et de la chirurgie donnait l’autorité nécessaire à cette nouvelle Compagnie, que renforçait l’adjonction des pharmaciens et des vétérinaires. La nécessaire symbiose médico-chirurgicale est affirmée dès l’entrée de l’Académie où l’on est accueilli par Desgenettes et Larrey, médecin et chirurgien de Napoléon que Louis XVIII nomma d’emblée dans un bel esprit de tolérance. Il nomma aussi Corvisart, médecin personnel et confident de l’Empereur dont son savant biographe, Jean Tulard, dit que « Napoléon ne croyait ni en Dieu, ni en la médecine, mais il croyait en Corvisart »; les autres chirurgiens des campagnes napoléoniennes Percy et Yvan, ainsi que le baron Antoine Dubois qui avait accouché Marie-Louise en 1811d’une difficile présentation du siège.
Des membres libres furent également nommés ; Cuvier, le zoologiste secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, le tératologiste Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, le duc de La Rochefoucaud-Liancourt membre de l’Académie des sciences, qui, à son retour d’Angleterre, milita en faveur de la vaccination jennérienne; Victor de Sèze, frère du défenseur de Louis XVI médecin-chef de l’hôpital Saint-André et premier recteur de Bordeaux, le naturaliste comte de Lacépède premier grand chancelier de l’ordre de la Légion d’Honneur, les chimistes Berthollet et Gay-Lussac, le mathématicien et physicien de la thermodynamique Joseph Fourier qui avait été préfet et baron d’empire, le baron Ramond de Carbonnières , ancien préfet lui aussi et découvreur des Pyrénées qu’il avait escaladées, souvent en premier, comme au Mont Perdu et nommé sans doute pour sa connaissance des stations thermales de la chaîne.
Cette section des membres libres permettra d’accueillir Pasteur et ses disciples, des savants de renom tels Arago, Chevreul, des hommes politiques, tels Georges Clemenceau, qui avait exercé la médecine durant vingt ans à Montmartre avant d’être le « Père La Victoire » en 1918 et le ministre Edouard Bonnefous, des hommes de lettres, médecins de formation, comme Emile Littré, et Georges Duhamel qui présida l’Académie de médecine en 1960.
Les premières listes formèrent le noyau initial de l’Académie qui ensuite, en toute liberté, procéda à l’élection de ses nouveaux membres. Les effectifs de titulaires, correspondants, associés étrangers ont varié dans le temps, comme le nombre et la composition des divisions.
Les dernières retouches au règlement ont tenu compte de la rapidité actuelle des moyens de communication. Ainsi sont rassemblés dans les quatre divisions de médecine, chirurgie, biologie et santé publique les résidants (Paris-Ile de France) et les non résidants. Les provinciaux étaient jusque-là relégués dans la huitième division, quelle que soit leur spécialité.
Et si pour devenir vraiment nationale, il a fallu augmenter le pourcentage des non résidants par rapport aux résidants à raison d’un tiers / deux tiers, cette proportion est encore loin de tenir compte de la démographie, car Paris-Ile de France ne représente que le dixième de la population française et le nombre de PUPH est deux fois plus élevé dans les régions.
A titre d’exemple l’Académie royale de médecine de Belgique fondée en 1841 représente à parité Bruxelles et les autres centres scientifiques du pays (Anvers, Gand, Liège, Louvain et Namur).
Conseillère des pouvoirs publics pour tous les aspects de la santé publique, l’Académie se devait de susciter et d’encourager la recherche médicale par des prix, des médailles et des bourses. Cet effort nécessite de gérer au mieux le budget provenant de l’ Etat, de ressources propres provenant de biens immobiliers, de legs et des mécènes. Institution d’Etat, les membres titulaires reçoivent une indemnité académique et les non-résidants ont leurs frais de déplacement remboursés. L’allongement de la longévité a contraint de fixer l’éméritat à 80 ans, qui prive seulement de l’indemnité académique, mais permet d’élire un nouveau membre.

Initialement l’Académie était chargée d’un service de vaccination et de chef de travaux affecté au laboratoire de chimie et de bactériologie, disparu au cours du temps.
Par ordonnance royale du 15 septembre 1833, le costume académique est décrit, rappelant celui de l’Institut, dont il se différencie par les broderies amarantes comportant les serpents d’Esculape au lieu des branches vertes d’olivier ; bicorne et attribution officielle d’une épée à poignée d’or. Ce costume est seulement porté par le bureau lors des séances solennelles.

Les ordonnances royales avaient tout prévu, sauf le logement de l’Académie et la recherche d’un toit décent dura 82 ans.
Les échanges étaient souvent houleux sur les grands problèmes de l’époque, où s’affrontaient opposants comme Velpeau et partisans de l’anesthésie à l’éther; la contagiosité du choléra niée par François Magendie, la génération spontanée, la spécificité des maladies ; la théorie cellulaire de Virchow. Le débat sur la continuité de la matière et du vivant avait été lancé par Diderot qui écrivait en 1769 « Tout est en un flux perpétuel. Tout animal est plus ou moins homme ; tout minéral est plus ou moins plante ; toute plante est plus ou moins animal. Il n’y a qu’un seul individu, c’est le tout. Naître, vivre et passer, c’est changer de forme. » Cent cinquante ans plus tard le poète écrira : « Le don de vivre a passé dans les fleurs ! /Tout va sous terre et rentre dans le jeu. »
C’est seulement en 1902 que l’Académie put s’installer dans son hôtel de la rue Bonaparte, mitoyen de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts. L’architecte Justin Rochet, influencé par le style de l’art nouveau y a multiplié les motifs floraux dans les mosaïques de revêtement, ainsi que dans la ferronnerie qui orne le grand escalier menant à l’étage de la salle des séances. Celle-ci a été récemment restaurée pour retrouver sa couleur gris pastel d’origine ; la sonorisation a été améliorée et le nombre de pupitres augmenté. La peinture de la coupole n’étant plus au goût du jour a été remplacée par le rappel du nom de l’Académie devenue nationale depuis 1947, calligraphie due au peintre Georges Mathieu.

Enfin, il a fallu attendre le projet de loi no 883relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche pour doter l’Académie nationale de médecine des mêmes statuts que ceux régissant les académies de l’Institut de France, d’être une personne morale de droit public à statut particulier, placée sous la protection du Président de la République.

La Bibliothèque de l’Académie héritière des archives des deux institutions d’Ancien Régime qui l’ont précédée, a été enrichie des cinq mille volumes anciens du fond Daremberg, dont des incunables. Elle conserve les biographies, portraits, médailles et bustes de ses membres et d’autres objets de collection. Elle reçoit les périodiques français et étrangers, ouvrages et thèses. La richesse de sa documentation la met au tout premier rang. D’un accès aisé, elle offre un outil de travail exceptionnel.
Elle possède depuis le début le Bulletin de l’Académie qui publie les rapports et les communications faites par les membres et les personnalités extérieures. A ses débuts l’Académie se réunissait un mardi par mois. L’abondance des ordres du jour a rendu les séances hebdomadaires. Une commission inter-académique organise des réunions communes avec les autres académies (Sciences, Pharmacie, Vétérinaire, Agriculture..) et les échanges avec les académies étrangères.
Les œuvres d’art sont nombreuses dans les couloirs, les salles de travail des commissions, la bibliothèque, avec des portraits, des bustes et dans le salon Lhermitte une toile d’Edouard Vuillard, peintre nabi, représentant le cardiologue Vaquez au chevet d’une patiente. Peintures et sculptures dont celles de David d’Angers constituent un riche patrimoine.

Le plus précieux est incontestablement celui constitué par les membres, qui depuis 1820, par leurs travaux, ont illustré le passé prestigieux de cette Compagnie.

Grâce au doyen Francis Tayeau qui fut mon mentor à l’Académie et qui la présida en 1985, nous disposons d’un précieux index biographique de 1820 à 1990.

Peut-on rappeler les thèmes débattus et leurs principaux acteurs pendant cette période de bouleversement biomédical ?

-Corvisart médecin de la Charité et chef d’école renommé initia à la méthode anatomo-clinique son élève le breton René Théophile Laennec qui eut la géniale intuition, alliée à son « oreille absolue » de flûtiste, d’inventer le stéthoscope devenu l’emblème de la profession. Ce cylindre qu’il façonnait lui-même avec un tour et différentes sortes de bois, lui permit de décrire la séméiologie sonore des lésions pleuro-pulmonaires et cardiaques qu’il vérifiait ensuite sur le cadavre. L’auscultation marque la naissance de la clinique pour reprendre le titre du célèbre ouvrage de Michel Foucault, avec la prise de l’observation comportant l’anamnèse, l’histoire de la maladie, la description des signes fonctionnels, généraux et physiques.
– Pierre Fidèle Bretonneau, le médecin de Tours, comprit en étudiant les fausses-membranes de la diphtérie et les lésions intestinales de la fièvre typhoïde qui s’appelait alors dothiénentérie, alors que leur agent microbien n’était pas encore connu, que les maladies étaient des entités spécifiques. Son élève Armand Trousseau s’en fit le porte parole dans ses célèbres leçons cliniques de l’Hôtel-Dieu. A l’opposé l’impérialiste Broussais soutenait que les maladies résultaient d’une gastro-entérite que les réactions individuelles transformaient en maladies qu’il recommandait de traiter par des saignées et des purges. Ce fut un retour néfaste aux idées erronées de la médecine hippocratico-galénique, vérifiant l’adage de Victor Hugo que « la science va sans cesse se raturant » Il était en effet trop tôt pour que le terrain reçut une explication génomique.

– Elu en 1873 Jean-Martin Charcot et dans son sillage Babinski, Déjerine, Pierre Marie décrivent des maladies neurologiques nouvelles. Par ses descriptions de l’hystérie, Charcot ouvrit les portes de l’inconscient à son élève Sigmund Freud.
Par des coupes de cerveau, il montra avec son interne bordelais Albert Pitres, futur doyen de la faculté mixte de médecine et pharmacie de Bordeaux, il montra que le cerveau était une mosaique de localisations fonctionnelles. …Le fils du « prince de la neurologie », le commandant Jean-Baptiste Charcot, sera élu membre libre, comme à l’académie des sciences, en 1930, quatre ans avant le naufrage du « Pourquoi Pas ?» en mer d’Islande.
– Une autre révolution fut menée par deux aliénistes originaires du Languedoc et appartenant à la première liste des nommés Philippe Pinel et son disciple Dominique Esquirol. C’est eux qui ont transformé les asiles d’aliénés en hôpitaux psychiatriques. Libérant les aliénés de leurs chaînes, comme le rappelle la fresque qui orne la salle des bustes de notre Académie, ils sont à l’origine de la nosographie initiale des maladies mentales. Antoine Blanche, psychiatre et médecin-légiste hérita de son père la clinique privée qui accueillait des patients célèbres de l’époque comme Charles Gounod et Gérard de Nerval affligés de psychose circulaire ou Guy de Maupassant frappé de démence syphilitique.
– La révolution physiologique amorcée par François Magendie, au Collège de France le maître de Claude Bernard (1813-1878) dont le nom est lié à la médecine expérimentale et à l’introduction de la biologie en clinique. De toutes les Académies, française et des sciences, il fut élu à celle de médecine en 1861. La fonction perturbée par la maladie, diminuée, annulée ou augmentée, selon Claude Bernard, verra sa traduction au niveau cellulaire grâce à l’allemand Virchow qui fonda l’anatomie pathologique microscopique. Ce n’est qu’à la deuxième moitié du XXème siècle que la lésion sera définie au niveau moléculaire et génomique.
– Il me faut citer Louis René Villermé (1782-1863), élu à la section d’hygiène en 1835, car il est le fondateur en France de l’épidémiologie en santé publique. Il démontra que la mortalité globale était plus élevée dans les quartiers pauvres que dans les quartiers riches et il concluait que la mort est une maladie sociale, l’aisance conserve la vie, la misère l’abrège. Une séance récente dédiée au sans-logis – 300.000 pour Paris et sa proximité-révélait que leur espérance de vie était diminuée de moitié, une année dehors abrège la vie de 4 ans.
Dans un autre mémoire de 1829 sur la taille des conscrits des armées napoléoniennes provenant des quartiers aisés était supérieure à celle des conscrits des quartiers pauvres de Paris, Villermé écrivit « la taille adulte est plus élevée et la croissance plus rapide en proportion dans les quartiers riches où il y a plus de confort dans les maisons, de vêtements, de nourriture et moins de fatigue due au travail, moins de privations pendant l’enfance et l’adolescence. Les circonstances qui accompagnent la pauvreté retardent l’âge auquel la taille définitive est atteinte et diminuent celle-ci. » Villermé avait décelé les arguments en faveur de variations séculaires plutôt que d’une véritable accélération. Car ce phénomène n’est ni définitif, ni universel. C’est un bon indicateur de santé publique et du niveau de vie d’une population, en sachant que les plus défavorisés, comme toujours, sont les plus sensibles aux variations dans les deux sexes. Le retour de la précarité en Europe et les inégalités dans le droit à la santé redonnent de l’actualité à ces marqueurs.

-La révolution pasteurienne, (Louis Pasteur -1822-1895) est à l’origine des biotechnologies, dont on ne cesse de bénéficier grâce aux vaccinations qui ont permis d’éradiquer nombre de fléaux infectieux. Les conditions de la vie en ont été radicalement transformées. Appartenant à l’Académie française et à celle des sciences, Louis Pasteur fut élu en 1873 à l’Académie de médecine, comme membre libre, puisqu’il n’était ni médecin, chirurgien, pharmacien ou vétérinaire, mais chimiste, précédé par les chimistes de la première liste Berthollet et Gay-Lussac. D’autres pasteuriens y entreront, Emile Roux, le directeur de l’Institut Pasteur, Chamberland, Albert Calmette, le père du BCG et Gaston Ramon, le père des anatoxines, Duclaux, Alexandre Yersin, le découvreur du bacille pesteux et Joseph Grancher, le professeur de pédiatrie habilité à pratiquer les vaccinations à la demande de Pasteur.

– Les chirurgiens doivent beaucoup à ceux des armées napoléoniennes déjà cités, qui comprirent aussi Bégin et ceux de la pratique civile, comme le baron Alexis Boyer, Nélaton, Dupuytren, président de l’Académie en 1824, Velpeau qui avait contesté l’anesthésie à l’éther avant de faire amende honorable. Ils doivent leurs succès à l’introduction de l’anesthésie à l’éther et de l’asepsie-antisepsie initiée par Joseph Lister, à la suite des travaux de Pasteur. Jean-Louis Faure, girondin natif de Sainte-Foy-la-Grande, ainsi que Paul Broca, lequel fut le premier à analyser les pièces opératoires au microscope. Fondateur de la société d’anthropologie, le nom de Broca est attaché à la découverte de la localisation cérébrale de l’aphasie motrice. Son élève Samuel Pozzi, natif de Bergerac sera le fondateur de la chirurgie gynécologique : son traité traduit dans toutes les langues européennes le rendra célèbre et lui ouvrira les portes de l’Académie en 1896. L’ophtalmologiste bordelais Félix Lagrange sera le premier à opérer avec succès le glaucome qui conduit à la cécité.
-Le baron Hippolyte Larrey, le fils du chirurgien de la Grande Armée sera élu en1850 et présidera l’Académie en 1863. Le lien avec le Val de Grâce maintient la tradition d’élire des médecins-généraux du service de santé des armées.
-Baudelocque, Tarnier et Pinard ouvrirent la voie aux accoucheurs qui apportèrent une plus grande sécurité à l’art obstétrical.
-René Leriche et Alexis Carrel furent des chirurgiens expérimentateurs de techniques nouvelles. Au XXème siècle le nom de René Küss s’impose parce qu’il osa le premier la transplantation rénale et persévérer malgré les échecs initiaux.
– Chez les médecins, Jean Baptiste Bouillaud décrivit le rhumatisme articulaire aigu et ses atteintes cardiaques. A la suite de ce pionnier, le XXème siècle reçut à l’Académie une pléiade de médecins d’enfants Hutinel, Nobécourt, Gaucher, Grancher, Antonin Marfan, Marquézy, Lesné, Brissaud, Marcel Lelong, Julien Marie, Stéphane Thieffry, Pierre Mozziconacci, Raymond Mande, Robert Laplane, Michel Arthuis, Henri Lestradet, Maurice Lamy qui illustra la première chaire de génétique au monde et Raymond Turpin découvreur de la trisomie 21 au tout début de la cytogénétique. La figure de Robert Debré qui présida l’Académie en 1958 s’impose par son action de précurseur en santé publique et par sa réforme hospitalo-universitaire maintenue jusqu’à maintenant.
-Jean Bernard et Jacques Ruffié, sont des figures emblématiques de l’hématologie, qui a connu une transformation radicale du pronostic des leucémies et des lymphomes jusque là mortels.
-Le petit-fils de Pasteur, Louis Pasteur Vallery-Radot (1886-1970) présida l’Académie en 1970 ; son traité de médecine, le fameux PVR a formé des générations d’étudiants et son école se prolonge encore de nos jours.
L’Académie de médecine peut s’enorgueillir de compter parmi les siens de nombreux prix Nobel : depuis Marie Curie double prix Nobel de physique et de chimie , et son gendre Frédéric Joliot ; Alphonse Laveran en 1907 pour sa découverte à Constantine du plasmodium parasite du paludisme, Metchnikov en 1908 pour sa démonstration de l’immunité cellulaire, Alexis Carrel en 1912 qui avait démontré à l’Institut Rockefeller aux USA chez l’animal la faisabilité des pontages artériels et des transplantations. Charles Richet pour l’anaphylaxie ; Charles Nicolle à propos du typhus; André Cournand pour l’exploration hémodynamique; Le bourguignon Roger Guillemin ; Jean Dausset en 1980 pour sa découverte des groupes leucocytaires HLA ouvrant la voie de l’histocompatibilité des transplantations. Luc Montagnier a partagé avec Françoise Barré-Sinoussi le Nobel en 2008 pour leur découverte en 1983, à l’Institut Pasteur, du rétrovirus responsable du SIDA.
Enfin Jules Hoffmann est le plus récent et le premier, en fonction du nouveau règlement, à se voir attribuer en avril 2012 le titre de Membre honoris causa de l’Académie nationale de médecine pour son prix Nobel parce qu’il a découvert chez la drosophile- cet insecte qui ne cesse de nous informer sur les gènes du développement- le système Toll, conservé chez les vertébrés, qui assure leurs mécanismes de défense innée immédiate et générale, permettant avec l’immunité acquise de survivre dans un environnement hostile.

Non contente de ses gloires nationales, l’Académie eut l’élégance de s’associer des prix Nobel étrangers depuis la création du prix: de Röntgen et Behring en 1901 ; Pavlov en 1904 ; Robert Koch en 1905 ; Ramon y Cajal en 1906 ; Golgi en 1916 ; le belge Jules Bordet en 1919 ; Hopkins en 1929 ; en 1933 le grand généticien Morgan ; Sherrington en 1932, Fleming en 1945 ; Houssay et les Cori en 1947 ; Egas Moniz en 1949 ; Krebs en 1953 ; Pauling en 1954 ; Christian de Duve primé en 1974 pour sa découverte des lysosomes et des peroxysomes ouvrant la voie à la compréhension des maladies concernant ces organites cellulaires.

Tous ces noms glorieux ont contribué à rendre la médecine scientifique et efficace et sonnent les grandes heures de l’Académie Nationale de médecine. Ils ne sont toutefois que l’émergence la plus visible de ce passé toujours présent qui éclaire l’avenir.